le 10 décembre 2018
Le bateau des riches dont vous êtes le grand timonier, Monsieur le Président, vient de s’échouer sur un roc : celui de la conscience de l’injustice sociale et fiscale. A force de vouloir faire payer aux plus modestes la facture de cadeaux insensés accordés aux plus riches, vous incarnez désormais tous les traits du monarque qui joue contre son peuple. Et quel triste spectacle que de voir également la majorité, propulsée aux responsabilités dans le sillage de votre élection, à des années-lumière du vécu et des souffrances endurées par la majorité de nos concitoyens !
La jolie fable du « nouveau monde » est en miettes. Tout le monde vit désormais dans son quotidien les conséquences de votre générosité indécente pour les « premiers de cordée » :
- 3,5 milliards d’euros aux 350 000 personnes les plus riches de France avec la suppression de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF), alors qu’ils détiennent 1 028 milliards d’€ de patrimoine,
- Près de 2 milliards d’euros aux seuls actionnaires avec le prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital,
- 20 milliards d’euros de CICE sans aucune contrepartie en termes de création d’emplois, portés à 40 milliards d’euros en 2019, essentiellement à destination des grands groupes du CAC 40 qui viennent d’accumuler des profits records !
Et que peut-on éprouver d'autre que du ressentiment et du dégoût face aux rémunérations scandaleuses des grands patrons français pour lesquels il ne semble pas y avoir de limite. En 2017, la rémunération moyenne d'un patron du CAC 40 s'est élevée à plus de 5 millions d'euros par an. Une augmentation de 14 % par rapport à 2016.
En bon Père-Noël des riches, vous avez rempli la hotte des nantis, grands patrons et rentiers, en vidant le porte-monnaie des salariés et des retraités : hausse de la CSG, hausse de la TICPE sur les carburants, hausse programmée des mutuelles et des tarifs de l’énergie… Au moment où les ultra-riches encaissent leurs cadeaux, cette hausse de la fiscalité est insupportable pour toutes celles et ceux qui sont obligés de prendre leur voiture pour aller travailler ou se déplacer dans leur vie quotidienne.
Mais votre duo avec Edouard Philippe n’entend pas s’arrêter là. Vous avez mis en chantier la casse du droit à la retraite et de la Sécurité sociale. Vous continuez à fermer nos services publics, à baisser les moyens pour l’hôpital et la santé publique, à étouffer nos communes et nos collectivités.
C’est bien face à toutes ces attaques et ces menaces que se mobilisent depuis des mois les blouses blanches, les tempes grises et les bleus de travail … Retraités, salariés, fonctionnaires, agriculteurs et artisans sont parfaitement conscients de la dégradation de leur situation. Ils n’ont pas besoin que certains ministres descendent de Paris pour leur expliquer de quoi ils peuvent encore se passer pour se serrer un peu plus la ceinture. Si beaucoup se retrouvent aujourd’hui parmi les gilets jaunes de nos ronds-points, c’est parce que tous cherchent une réponse politique à la hauteur des besoins.
Si vous étiez à l’écoute de mes propos, je vous proposerais les décisions suivantes :
- La première, c’est que pour faire face à l’état d’urgence sociale, face à des choix fiscaux injustes au service des plus riches, il faut des mesures immédiates. Elles peuvent être prises sans aucune difficulté dans les jours qui viennent : l’augmentation dès le 1er janvier 2019 du SMIC de 200 € net, des salaires et pensions de retraites dès le 1er janvier 2019, le rétablissement immédiat de l’ISF et la suppression des cadeaux sur les revenus du capital (5 milliards d’euros pour le budget de l’Etat), l’annulation de la hausse CSG, le non-cumul en 2019 du CICE et de l’exonération de cotisations sociales patronales (20 milliards d’euros pour le budget de l’Etat).
· - La seconde, c’est qu’au-delà de ces mesures d’urgence il faut mettre en œuvre de nouvelles orientations politiques destinées à assurer la justice fiscale et sociale et à relever le défi écologique.
- Sur le plan fiscal, il est urgent d’engager un vrai plan pluriannuel de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, qui coûtent 80 milliards d'euros par an aux finances publiques, de quoi combler immédiatement tous les déficits de l’Etat. Je vous invite également à mettre en place un prélèvement à la source sur les bénéfices des multinationales, ainsi qu’un nouvel impôt sur les sociétés pour faire contribuer les géants du numérique (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft…). Renforcez aussi la progressivité de l’impôt sur le revenu en augmentant le nombre de tranches (9 tranches contre 4 tranches aujourd’hui).
o - Sur le plan social, lancez des négociations interprofessionnelles pour des hausses de salaires dans toutes les branches, la revalorisation des pensions de retraites indexées sur l’évolution des salaires, un niveau de retraite minimal au niveau du SMIC, l’indexation des traitements des fonctionnaires (donc le dégel du point d’indice).
o - Pour les territoires, faites un moratoire sur le recul de tous les services publics de proximité (hôpitaux et maternités, gares et guichets, trésoreries...) et garantissez un seuil minimal de présence de services publics dans les territoires.
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o - Sur le plan de la transition écologique, reprenez nos propositions : consacrer 10 à 20 milliards d’euros par an d’investissements publics dans la transition écologique avec priorités à un grand plan de rénovation thermique de l’habitat, au développement du transport collectif de voyageurs jusqu’à sa gratuité, et du fret ferroviaire. Il faut pour cela exiger le fléchage intégral des taxes sur le carburant vers la transition écologique, assurer la revalorisation des taux des livrets et le fléchage du Livret de développement durable et solidaire vers la transition écologique, tout en élargissant le chèque-énergie à 8 millions de personnes et en le revalorisant pour les plus modestes (de 200 euros actuellement à 600 euros).
Mais vous ne découvrez pas aujourd’hui ces propositions. Nous les portons depuis le début de cette mandature. Comme parlementaires communistes, nous agissons en cohérence et avec constance pour défendre les intérêts de toutes celles et tous ceux qui, mobilisés sur les ronds-points, dans les manifestations, dans les hôpitaux, dans les entreprises, font face à la pression de la finance, aux multinationales, à la grande distribution ou aux lobbys patronaux.
Si nous sommes cohérents et constants dans nos propositions politiques, c’est parce que nous savons que les moyens financiers et budgétaires existent pour imposer cette justice sociale et fiscale, cette réorientation de nos choix économiques et de gestion pour changer la vie et préserver notre planète.
Dans les jours et mois à venir nous allons redoubler d’efforts pour que ces réponses aux attentes populaires soient à nouveau mises en débat dans l’hémicycle comme nous l’avons toujours fait. Nous ne lâcherons pas le combat pour faire reculer les injustices sociales, pour l’exigence de justice et de respect, pour mieux répartir les richesses, pour l’Humain d’Abord.
C’est dire que nous ne nous faisons aucune illusion sur les réponses que vous allez apporter aux revendications populaires.
* Reprise du titre de l'ouvrage paru en septembre 2017, Et maintenant Monsieur le président, André Chassaigne, Les Editions de l'Atelier.
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